Désastre à l'italienne

Entravée, mal gérée et ingouvernable, Alitalia, le maillon faible du ciel européen, n'a pas su lutter contre la concurrence Vendredi passé, aux alentours de 23 heures, le vol AZ1586 en provenance de Cagliari s’est posé une dernière fois sur le tarmac de l’aéroport Fiumicino, à Rome. Et à son bord : les derniers passagers d’une compagnie aérienne mythique qui, pendant près de 75 ans, aura sillonné le ciel italien. Poussée à la faillite par des déficits historiques, l’entreprise a dû définitivement couper les moteurs. Au beau milieu de la nuit de jeudi à vendredi passé, c’est donc une page de l’histoire de l’Italie qui s’est tournée. Mais à l’heure du grounding, malgré les larmes à l'oeil, nombreux sont les Italiens en réalité soulagés de voir définitivement condamné ce puits sans fonds qui, durant des années, a siphonné les caisses publiques italiennes. Près de 13 milliards d’euros en 50 ans déboursés par l’Etat. En effet, après un envol spectaculaire dans l’Italie d’après-guerre jusqu’aux années 80, Alitalia devient alors 3e compagnie européenne derrière Lufthansa et British Airways et transporte 10 millions de passagers par an. Mais l’entreprise publique n’a pas su évoluer avec son temps et la libéralisation du transport aérien. À partir des années 1990, avec l’ouverture à la concurrence du secteur, Alitalia n’a pas su comprendre comment fonctionnait le marché. Elle n’a pas su investir dans les longs courriers et c’est là que la compagnie a commencé à perdre de l’argent. Début 2017, Alitalia perd 100 millions d’euros par mois et est placée sous la tutelle spéciale de l’administration publique pour ne jamais en sortir jusqu’à sa mise hors course définitive jeudi passé. Mais le ciel italien n’est pas resté longtemps silencieux. Vendredi matin, dès l’aube, ITA, la nouvelle compagnie aérienne publique née des cendres d’Alitalia a repris le flambeau. Mais avec des ambitions restreintes. Financé aujourd’hui à hauteur de 700 millions d’euros par Rome, le dernier-né de l’aviation italienne n’a pour l’instant pu garder que 2’700 des 11’000 employés de la compagnie en déroute. Car Alitalia, c’est aussi l'histoire d'un incroyable gâchis. Le 24 avril dernier, les salariés d’Alitalia ont voté contre le plan de relance de la dernière chance, prévoyant 1’700 suppressions d'emploi et une réduction de rémunération de 8%. Un refus historique qui a signé l'arrêt de mort de la compagnie italienne. Les responsables d'un tel désastre ? Les salariés, qui ont longtemps refusé de croire au déclin en multipliant les grèves pour conserver leurs avantages, mais aussi les pouvoirs publics. Ces derniers ont à la fois injecté à fonds perdus près de 8 milliards d'euros en sept ans tout en résistant au changement nécessaire au redécollage. Entravée, mal gérée et ingouvernable, le maillon faible du ciel européen n'a pas su lutter contre la concurrence. En une décennie, les compagnies à bas coûts comme Ryanair et easyJet ont gagné près de la moitié du marché domestique italien. Les compagnies aériennes aussi sont mortelles. Après Swissair, (pour d’autres raisons), Alitalia l’a appris à ses dépens. Souhaitons bon vol à ITA, sur les chemtrails de Swiss... Philippe MEYER philippe.meyer@premiairclassetv.com www.youtube.com/premiairclassetv

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