Faut-il supprimer les vols domestiques ?

Les avions émettent du CO2, c'est incontestable. Et la réduction de l'empreinte carbone de l'aviation est tout aussi importante que celle de tous les autres secteurs qui émettent du CO2. Les vols court-courriers suscite régulièrement des débats politiques en Europe, avec notamment plusieurs propositions visant à interdire les vols intérieurs, réduire ces vols court-courriers et à les remplacer par le train. Et comme environ 30% de tous les vols dans le monde parcourent moins de 500 km, cela semble être une idée simple pour réduire de beaucoup les émissions de CO2. Cela semble logique, mais ce n'est pas le cas... ! En effet, la grande majorité des vols internes sont des vols de connexions vers des hubs. Par exemple, sur un vol de Genève à Zurich, il n'y a pratiquement pas de passagers qui volent uniquement de Genève à Zurich. Plus de 95% de ces passagers se connectent à Zurich vers des vols long-courriers non opérés depuis Genève, (exemple : San Francisco, Singapour ou Tokyo…) Si ce vol de connexion était supprimé, l’expérience montre que ces passagers ne prendraient pas le train pour Zurich, mais un vol vers un autre hub, (exemple : Amsterdam, Francfort Istanbul ou Londres). Donc, en fin de compte, non seulement les passagers effectueraient des trajets plus longs, mais encore les compagnies aériennes étrangères prendraient d’importantes parts de marché aux transporteurs aériens suisses, y compris les emplois induits. Dans le cas où la connexion avec le train est bonne, cette alternative est possible. Mais cela nécessite véritablement une très bonne connexion, avec un temps de trajet nettement inférieur à 2h30 reliant directement l'aéroport. Tant que ce critère n'est pas rempli, les passagers ne choisiront pas le train et on ne réduira aucune émission de CO2. En mai de cette année, la France a décidé d'interdire les vols internes si une liaison ferroviaire inférieure à 2h30 existait. Cependant, ce que la plupart des partisans de ces réductions de vols n'ont pas noté, c’est que la France a exclu de cette décision les vols de correspondance. Et comme la grande majorité des vols internes se connectent au hub de Paris Charles de Gaulle, il y a en réalité très peu de vols qui ont été supprimés. En Suisse, à titre de comparaison, il n'y a pas un seul vol intérieur qui ne soit pas un vol de correspondance (à l’exception du Genève – Lugano actuellement en attente d’être opéré). Les vols courte distance ne contribuent que peu aux émissions de CO2 des compagnies aériennes L'aviation représente 2,8% des émissions mondiales de CO2. Et seulement 4% de ces 2,8% sont émis par des vols court-courriers de moins de 500 km. Ceux-ci ne contribuent donc qu’à environ un millième aux émissions mondiales de CO2. Bien sûr, chaque tonne d’émission de CO2 économisée est bonne à prendre. Cependant, si l’on tient compte du fait que la plupart des passagers de ces vols sont des passagers en correspondance, et comme indiqué ci-dessus, nombre d'entre eux prendraient toujours un vol - mais vers un hub plus éloigné - et que ceux qui utilisent les transports terrestres ne sont pas non plus exempts d’émissions de CO2, l'économie de ces émission par de telles mesures est pratiquement nulle. À titre d'illustration : en 2017, Austrian Airlines a supprimé le vol interne Linz - Vienne. Ce vol parcourait une distance d'environ 200 km. Il existe une liaison ferroviaire directe de Linz à l'aéroport de Vienne, qui dure moins de 2h. Les correspondances avec les vols long-courriers sont garantis. Comment ont réagi les passagers ? Le train a récupéré moins de 50% des passagers Linz->Vienne->Monde, qui volaient avec Austrian Airlines auparavant. Les autres utilisent désormais des vols de correspondance via d'autres aéroports de transit plus éloignés. Je suis pleinement conscient de l'importance des symboles en politique. Et les vols internes en constituent un. Juste un symbole, ni plus, ni moins. Il faut donc être naïf de croire qu'une telle suppression aura un impact significatif sur le climat. Il serait plus pertinent de se concentrer sur les autres 96 % d'émissions de CO2 de l'aviation, mais qui ne peuvent aucunement être remplacés par un mode de transport terrestre. La bonne nouvelle est qu'il existe une solution qui peut rendre l'ensemble de l'aviation plus respectueuse du climat. Et cette solution s'appelle « Sustainable Aviation Fuels ». La promotion de ces carburants durables est une solution bien plus pertinente et intelligente pour le climat que la démagogique proposition de suppression des vols internes, mais évidemment… politiquement beaucoup moins porteuse. Philippe MEYER philippe.meyer@premiairclassetv.com (1) Philippe Meyer - YouTube

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