Le retour des très gros porteurs

 


On les disait obsolètes, trop chers à opérer, trop gourmands en carburant, trop vieux ; bref, ils avaient tous les défauts. Pourtant, pendant des décennies, ils étaient les seuls à pouvoir être exploités sur des destinations lointaines.

Aujourd’hui, le champ d’activité réservé autrefois à ces seuls quadrimoteurs est occupé par des appareils beaucoup plus petits. Ces derniers sont plus facilement remplis et au moment où les compagnies privilégient le coefficient de remplissage aux dépens du confort et même du tarif, il est logique de remplacer les gros porteurs par des avions plus légers. Et voilà que le Covid est arrivé à point pour clouer au sol les Boeing 747 et les Airbus 380. Certes, ces appareils étaient les préférés des clients, mais ils étaient d’une conception ancienne et les exploitants souhaitaient s’en débarrasser. L’occasion était trop bonne, elle a été saisie immédiatement.

Seulement, la demande de voyages est repartie brutalement. Les tarifs ont augmenté très sensiblement, de l’ordre de 30% ce qui permet d’atteindre beaucoup plus facilement le seuil de rentabilité. Bien sûr, les tous nouveaux gros biréacteurs - 777X et A350-1000 - permettent de transporter plus de 400 passagers, ce qui les rapproche des derniers Boeing 747-8 et des Airbus A380 ; mais les clients préfèrent toujours ces derniers, lesquels transportent tout de même 200 passagers de plus. Et puis les constructeurs peinent à livrer les appareils récemment commandés.

Alors on ressort les quadriréacteurs des cimetières d’avions où ils étaient stockés. Sans surprise, Emirates a remis en service ses A380. Et cela fonctionne tellement bien que les 777 sont progressivement remplacés par l’avion porte-drapeau, essentiellement sur les lignes où les classes supérieures Première et Affaires sont nombreuses et pour lesquelles l’A380 n’a pas d’équivalent. Le Boeing 747-8 n’a lui non plus pas dit son dernier mot.

C’est ainsi que les transporteurs remettent en service leurs plus gros appareils alors qu’ils pensaient ne jamais les réutiliser. La demande de voyage est dynamique et les quelques 4 milliards de passagers transportés en 2019 seront probablement atteints à nouveau en 2023, mais avec un chiffre d’affaires très supérieur compte tenu de l’augmentation des prix. Ce phénomène se constate sur tous les continents : Qantas a récemment annoncé le retour de ses A380 et Korean Air remet en service ses 747, alors que les pays asiatiques ont été les derniers à ouvrir complètement leurs frontières.

On a enterré un peu vite ces magnifiques appareils. Ils ont fait la prospérité du transport aérien et ils ont permis à une nouvelle clientèle, moins fortunée, de bénéficier de la liberté de voyager elle aussi. La très forte demande ne pourra pas être supportée uniquement par la multiplication des appareils plus petits, même si ces derniers permettent d’ouvrir de nouvelles dessertes directes sans passer par les hubs plus compliqués et onéreux à exploiter. De plus, les grands aéroports sont de nouveau proches de la saturation. Les parkings et le nombre de passerelles ne peuvent pas être développés à l’infini.

Boeing a fait 8 versions de son fabuleux 747, Airbus une seule de l’A380 en dépit de l’énorme insistance de Tim Clark, le patron d’Emirates, qui se dit prêt à être le transporteur de lancement du plus gros appareil du futur… A bon entendeur…

Philippe Meyer
(3) Philippe Meyer - YouTube

 

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