Moderniser l’espace aérien pour économiser des tonnes de CO2

 


Easyjet a calculé en exclusivité mondiale l’impact de la gestion inefficace de l’espace aérien européen sur les émissions de CO2.
Les résultats révèlent qu’en raison de la gestion morcelée actuelle de l’espace aérien en Europe et du manque d’optimisation qui en découle, les inefficacités de l’espace aérien font augmenter les émissions de CO2 de 10,62%, soit l’équivalent de 663’710 tonnes de CO2.

En appliquant son analyse à l’ensemble de l’aviation européenne, Easyjet estime que la modernisation de l’espace aérien (ciel unique) pourrait contribuer à éliminer 18 millions de tonnes de CO2 – les calculs sont basés sur les émissions totales de CO2 en porte à porte dans la zone Eurocontrol en 2023, qui s’élevaient à 180,2 millions de tonnes – du ciel européen chaque année. Un chiffre évocateur qui révèle l’ampleur de cette opportunité, jusqu’ici ignorée, et qui pourrait constituer une voie importante pour créer une réduction immédiate et significative des émissions de carbone dans l’ensemble de l’aviation européenne.

Menée par l’équipe Flight Efficiencies, l’analyse a révélé qu’une part importante de cette inefficacité se produit autour de l’espace aérien des aéroports, en particulier pendant la montée et la descente, en raison d’un morcellement obsolète et mal conçu. Alors que l’inefficacité de l’espace aérien est un problème dans toute l’Europe, c’est au Royaume-Uni que les opérations d’Easyjet sont les plus inefficaces – avec 7 des 10 routes les moins efficaces au départ de Londres Gatwick, le sud-est du Royaume-Uni étant une zone particulièrement problématique en raison de la forte demande et des contraintes de capacité.

Le Royaume-Uni est compétent dans la gestion de son espace aérien et son nouveau gouvernement s’est engagé à soutenir la modernisation de l’espace aérien dans son manifeste, offrant une opportunité de changement positif. Le Royaume-Uni pourrait inverser la tendance et devenir un leader international dans la conduite de la réforme de l’espace aérien. Parmi les pays où le besoin d’amélioration est le plus important, on trouve le Royaume-Uni, l’Italie, la France, l’Espagne et la Suisse. Par exemple, les vols entre Londres Gatwick et Milan Malpensa produisent, en moyenne, 19% de surplus d’émissions.

Dans le cadre de ce projet, Easyjet a procédé à une évaluation complète de toutes les lignes aériennes utilisées sur son réseau, afin d’identifier les zones les plus inefficaces et où une réforme immédiate est nécessaire.

Les routes les plus problématiques:
  • Portugal/Suisse: Porto – Genève
  • Espagne/Royaume-Uni: Palma de Majorque – Londres Gatwick
  • Portugal/Royaume-Uni:  Faro – Londres Gatwick
  • Royaume-Uni/Italie: Londres Gatwick – Milan Malpensa
  • France/Royaume-Uni: Nice – Londres Gatwick

Montée: l’analyse identifie Londres Gatwick, Milan Malpensa, Genève, Naples et Paris CDG comme ayant les départs les plus inefficaces. Pour améliorer l’efficacité, l’espace aérien doit être réaménagé afin de permettre les opérations de montée continue (CCO – ‘Continuous Climb Operation’), qui permettent aux avions d’atteindre leur altitude de croisière plus efficacement.

Croisière: les espaces aériens supérieurs au-dessus de l’Italie, du Royaume-Uni, de la France et de l’Espagne ont été identifiés comme faisant partie des régions les plus problématiques d’Europe. Ces régions sont confrontées à des inefficacités importantes dues à des procédures obsolètes, à des itinéraires complexes et à une flexibilité limitée de l'utilisation de l’espace aérien.

Pour améliorer l’efficacité dans ces espaces aériens supérieurs, il est essentiel d’étendre l’espace en cheminement libre (Cross-Border Free Route Airspace – FRA) afin de permettre des itinéraires plus directs et de réduire la consommation de carburant.

Descente: les inefficacités sont particulièrement sévères au Royaume-Uni, en Italie, en Suisse et en France, où les procédures d’arrivée se traduisent par des temps de vol prolongés et une consommation de carburant accrue. Les procédures d’arrivée récemment remaniées à Londres Luton (LTN) et Milan Malpensa (MXP) se sont notamment révélées moins efficaces que les procédures précédentes, ajoutant en moyenne 10 minutes aux temps de vol prévus.

Ces inefficacités sont souvent dues à des procédures trop complexes ne privilégiant pas l’efficacité opérationnelle. Pour améliorer l’efficacité des descentes, il est essentiel de revoir les procédures d’arrivée en mettant l’accent sur la réduction du roulage sur piste, la mise en œuvre d’approches en descente continue (CDA) et la minimisation des paliers de descente.

Le Royaume-Uni doit achever le programme de modernisation de l’espace aérien en mettant l’accent sur le sud-est et en veillant à ce qu’une seule entité soit responsable de la mise en œuvre du programme dans les délais impartis.

En Europe, Easyjet prévoit de collaborer avec les fournisseurs de services de navigation aérienne (Air Navigation Service Providers) et les aéroports des différents pays concernés afin de trouver des solutions à ces inefficacités. Il est essentiel d’obtenir des résultats rapides, en mettant par exemple en œuvre les espaces en cheminement libre au Royaume-Uni et en France, ce qui entraînerait des améliorations immédiates.

Les gains les plus rapides peuvent être obtenus en redéfinissant les procédures de l’espace aérien inférieur, telles que les voies aériennes d’arrivée standard en région terminale (Standard Terminal Arrival Routes) et les transitions, afin de mieux les aligner sur les capacités des aéronefs actuels. La mise en œuvre d’approches RNP-AR (Required Navigation Performance with Authorisation Required) dans un plus grand nombre d’aéroports apporterait également des améliorations significatives.

Ces procédures, déjà déployées avec succès en Scandinavie, offrent des trajectoires prévisibles qui évitent le survol de zones densément peuplées, réduisant ainsi la pollution sonore et l’impact sur l’environnement.

Le centre de contrôle de l’espace supérieure de Maastricht (Maastricht Upper Area Control Centre) a déjà mis en œuvre avec succès cette technologie depuis mai 2022, démontrant ainsi son efficacité dans l’optimisation de la gestion du trafic aérien.

Voilà une mesure qui ne demande aucun investissement et qui permettrait même de diminuer les temps de vol tout en réduisant considérablement les émissions de CO2. Alors, qu'attendons-nous pour la déployer?

Philippe Meyer
1CTV: édition spéciale "hydrogène" (youtube.com)

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