Le casse-tête Russe

Le déclenchement des hostilités en Ukraine aura des conséquences importantes sur l'industrie aéronautique mondiale. Plus de 10 milliards de francs. C’est le chiffre hallucinant que pourraient perdre les sociétés de leasing engagées sur le marché russe. En choisissant la guerre, la Russie a aussi refermé les portes du ciel et cloué ses avions civils au sol, faute d’accès à de nombreux espaces aériens occidentaux. Ses compagnies se retrouvent donc pour la plupart sans vols et donc sans ressources. Une situation difficile à tenir au regard du prix de location des appareils. Près de 500 d’entre eux , propriété de compagnies de leasing non russes, se retrouvent privés de ressources permettant à leurs exploitants d’ assumer leurs coûts y compris d’assurance ou de maintenance. Bloqués, ils devraient être alors être restitués à leurs propriétaires ce qui, en temps de guerre, n’est pas si simple. Dans un contexte de blocus et d’embargo visant également son secteur aéronautique, la coopération des autorités russes pourrait être grandement altérée et cela empêcherait le retour de ces centaines d’appareils dont près de la moitié viennent d’Europe. Un véritable casse tête pour les sociétés de leasing. Cette situation pose également la question du stockage et de la maintenance. On le sait les grands avionneurs, Airbus et Boeing notamment, ont annoncé suspendre leur coopération avec le pays belligérant. Une démarche assez inédite qui questionne d’ores et déjà sur la réaction russe pour qui, compte tenu de la dimension de son territoire, peut difficilement se passer de ce moyen de transport. Certains appareils pourraient alors être cannibalisés et se transformer en magasins de pièces détachées. L’autre question est de savoir quel impact ce choc aura sur le secteur aéronautique russe. Les trains de sanctions imposés au pays ont souvent encouragé ses décideurs à se passer des apports extérieurs. Alors qu'elle est mise au banc de l'économie mondiale, la Russie voudra certainement aussi démontrer sa capacité à renforcer sa propre industrie aéronautique. De plus, les Chinois pourraient aussi y voir l’occasion de renforcer une coopération économique entre les 2 pays. Le MC21 de Rostec a été présenté comme un possible concurrent, ou désormais substitut, des Airbus A320 et Boeing 737. Même si la technologie occidentale reste indispensable au programme, le constructeur a tout de même démontré qu’il pouvait aller jusqu’à développer ses propres motorisations, ce qui constitue déjà une sérieuse preuve d’émancipation. En contrepartie des blocages économiques, la Russie pourrait elle même chercher à perturber l’industrie occidentale en ne livrant plus son titane, largement utilisé par l’industrie aéronautique, en particulier dans les moteurs. On le voit bien, les répercussions de ce conflit risquent d’affecter très largement l’ensemble d’un secteur dont l’équilibre, déjà fragilisé par deux années de crise du Covid, pourrait encore peiner à se rétablir. Philippe Meyer Philippe Meyer - YouTube

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