Pourquoi opposer le train et l’avion ?

 


Le sujet se pose uniquement en Europe occidentale. Les distances sont suffisamment grandes en Europe de l’Est y compris en Russie et en Amérique pour que le débat ait été tranché en faveur de l’avion. Il en est de même en Afrique qui ne dispose pas des infrastructures au sol d’une qualité suffisante, à la notable exception du Maroc. Les besoins en Asie sont tels que les deux modes de transport sont forcément complémentaires. Mais la situation en Europe occidentale est différente. Sur un territoire exigu, largement irrigué depuis près de deux siècles par une bonne infrastructure ferroviaire, avec une population dense et largement éduquée, qui, de surcroit, dispose, en moyenne, d’un revenu économique acceptable, le train et l’avion sont amenés à une inévitable compétition.

A vrai dire, elle a commencé à la fin des années 1970 avec l’arrivée des trains à grande vitesse, d’abord en France sur l’axe Paris-Lyon puis, progressivement, partout en Europe. Le traité de Maastricht qui a créé la liberté de circulation des personnes et des biens au sein de la future UE a permis l’aménagement de dessertes transfrontalières rapides là où seul l’avion pouvait jusqu’alors fournir le service. Ainsi le train est devenu un redoutable concurrent à l’avion sur les grands axes. Il dispose de nombreux avantages, en particulier concernant la facilité d'accès aux wagons par rapport aux clients du transport aérien. Ces derniers doivent subir un véritable parcours du combattant avec un passage aux fameux contrôles de sécurité qui ne sont pas imposés aux passagers du ferroviaire.

Néanmoins, les deux modes de transport avaient fini par trouver des voies de coopération, les compagnies ferroviaires ayant accepté de desservir les aéroports, ce qui n’était pas évident. La guéguerre semblait bien être terminée lorsqu’est apparue la désormais fameuse « honte de voler » lancée par une gamine suédoise, au nom de l’écologie. Et la classe politique s’est emparée de ce concept car c'était dans l’air du temps. C’est ainsi que les gouvernants européens, en pointant du doigt les méfaits écologiques du transport aérien, l’ont opposé au train paré de toutes les vertus.

Alors on a vu surgir des mesures de restriction des dessertes aériennes pour des distances couvertes en train en moins de 2h30, sans demander d’ailleurs aux clients ce qu’ils en pensaient. De nouvelles taxes frappent les compagnies aériennes européennes au profit des sociétés ferroviaires. Le gouvernement néerlandais a même tenté de diminuer de 10% le nombre de mouvements acceptables à l’aéroport d’Amsterdam Schiphol. Il a fallu une décision une mesure de rétorsion drastique des gouvernements américains et canadiens pour arrêter l’affaire. On lance des trains de nuit qui ont beaucoup de peine à trouver leur clientèle, même à tarifs réduits, à grand renfort de subventions : un peu plus de 100 millions de francs pour réhabiliter des voitures et réaménager des gares, plus les aides directes : par exemple 10 millions rien que pour la partie française du train de nuit Paris-Berlin envisagé pour bientôt.

Et pourtant la vocation de ces deux modes de transport est bien de coopérer tant ils peuvent être complémentaires. Dans tous les grands pays européens, les compagnies ferroviaires ont largement utilisé leurs capacités d’investissement pour desservir les grandes agglomérations à grande vitesse au détriment des petites villes qui se trouvent désertées. Mais pourquoi alors de pas créer au sein de chaque compagnie ferroviaire une filiale aérienne équipée d’appareils de 50 places pour desservir les petites villes, cela coûterait infiniment moins cher que de tirer des trains de nuit. Pourquoi ne pas développer les dessertes de tous les grands aéroports européens ? En France, par exemple, seuls Paris-CDG et Lyon Saint-Exupéry disposent d’une gare ferroviaire.

Encore faudrait-il que les dirigeants politiques encouragent ces deux modes de transport à coopérer plutôt que de les opposer... au profit, d’ailleurs, d’un seul d’entre eux. Beaucoup reste à faire pour le bien des populations et la rentabilité des opérateurs. Il est grand temps d’enterrer la hache de guerre et de déterrer le calumet de la paix de la mobilité afin de faciliter tous les déplacements au sein de l’Europe occidentale.

Philippe MEYER
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